Après 40 ans d’échec continu du néolibéralisme à améliorer le sort de nos concitoyens, ça craque de tous les côtés et le coronavirus pourrait bien donner le coup de grâce à cette idéologie mortifère.
Destruction progressive des services publics, chômage de masse persistant, baisse des droits des travailleurs, hausse de la précarité, attaque des retraites, de la fonction publique, de la sécurité sociale, sans parler du climat et de l’environnement qui ne cessent de se dégrader, voilà le bilan incontestable et objectif des politiques menées depuis la fin des années 70, début des années 80. Les choses sont tellement évidentes pour qui veut bien ouvrir les yeux que les derniers défenseurs de ce modèle qui sont aujourd’hui au gouvernement ne peuvent être classés qu’en 2 catégories, et 2 seulement :
- les vrais cyniques qui ont parfaitement conscience de travailler au service des 0,1% de la population qui détiennent le capital et qui assument cette guerre de classe en espérant se situer du bon côté de la barrière. Et après eux le déluge.
- les idéologues radicalisés élevé à la bouillie néolibérale et que plus rien ne peut faire changer d’avis. Sélectionnés pour leur conformisme et leur adhésion au système, ils sont aveugles à la réalité. Un débat nous anime d’ailleurs souvent pour savoir si on peut les qualifier de fou ou non. L’apparence rationnelle du discours et tous les diplômes dont ils se targuent devraient nous interdire un tel attribut. Mais il faut quand même reconnaître qu’arriver à croire honnêtement qu’on fait le bien des salariés en facilitant les licenciements relève d’une pathologie qu’on laissera aux experts le soin de nommer.
Il est à noter que les deux catégories ne sont pas complètement exclusives l’une de l’autres, la part de cynisme et de folie dans les décisions étant parfois complexe à déterminer. Qu’il existe des cyniques prêts à tout pour tirer la couverture à eux ou des extrémistes défendant des théories sans queue ni tête n’est a priori pas étonnant, il faut de tout dans la nature humaine. Là où c’est plus inquiétant c’est quand le système réussit à maintenir cette clique au pouvoir pendant tant d’années. Bien sûr elle n’y arrive pas toute seule, l’immense fortune des bénéficiaires de ces politiques est mobilisée au travers de nombreux vecteurs (médiatiques notamment) pour faire tenir debout ce discours et entraîner l’adhésion d’une minorité suffisante à gagner les élections.
Mais il y a bien longtemps qu’une grand partie de la population a décroché et ne croit plus en tout ça. La défaite éclatante du parti médiatique lors du référendum de 2005 en a témoigné ainsi que tout un tas d’événements depuis. Mais là haut dans les pseudo-élites, ça tient tant bien que mal, même si ce blog témoigne quotidiennement des décrochages de plus en plus nombreux. Et paradoxalement, tenir un discours aussi tranché sur nos dirigeants nous fait passer, nous, pour des fous ou extrémistes auprès de nos proches. Il faut dire qu’il n’est pas évident de déconstruire la théorie néolibérale chez eux. Il faut dépasser toutes les fausses évidences, dépasser la manipulation orwellienne du langage qui empêche de penser, déconstruire les statistiques biaisées, faire la part des choses dans l’origine de tel ou tel phénomène. Bref, cela nécessite un peu de culture historique, un long travail de déconstruction du discours dominant, ce que peu de gens autour de nous se sont donné la peine de faire.
Et c’est ici que vient à notre secours la crise du coronavirus. Si ce tragique événement a un mérite c’est celui de mettre en évidence la pensée néolibérale aux prises avec un événement inattendu. La vitesse avec laquelle les choses évoluent, la simplicité avec laquelle on peut relier tel ou tel résultat à telle ou telle décision nous offrent une opportunité unique d’y voir plus clair sur les vrais compétences de notre gouvernement. Et c’est pas triste.
Ainsi les dernières semaines nous ont permis d’observer une capacité au déni (ou au mensonge, selon que l’on se place du côté du cynisme ou de la folie) assez hors du commun. On repensera par exemple au discours de Mme Buzyn pour qui il était très peu probable que le virus atteigne la France. Nous avons eu ensuite une bonne démonstration d’arrogance avec Mme Ndiaye qui raillait les décisions prises par l’Italie quand la courbe de propagation du virus en France est rigoureusement la même que celle de l’Italie avec quelques jours de retard. Mais c’est encore dans les injonctions contradictoires que nos champions se sont le mieux illustrés. On commença par annuler le semi-marathon ou le dernier jour du salon de l’agriculture le dimanche sans que ça ne pose aucun problème de mettre 2 millions de personnes dans les transports en commun le lendemain pour aller travailler. M. Macron nous incitera ensuite à continuer à sortir et aller au théâtre quelques jours avant de les fermer. Puis M. Blanquer nous certifiera qu’il n’est pas au programme de fermer les écoles 5h avant l’annonce de leur fermeture par le président. Enfin, on nous rassure en nous expliquant que tout est sous contrôle et on vient nous culpabiliser deux jours après de n’avoir pas respecté les consignes. A l’heure où j’écris ces lignes on en est à devoir tout arrêter, restaurants, réunions de familles, associations sportives, etc., sauf pour aller voter et bosser. Faire vivre la république et le capital, la république du capital…
Et puis que penser de cette épiphanie de Macron lors de son discours de jeudi soir ? Après s’être attaqué à tous les pans de la protection sociale en France, le voici qui réalise tous ses bienfaits ? Vraiment ? Faut il croire le Macron du 12 mars 2020 qui nous dit “la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux” ou celui qui s’inscrit depuis le début du quinquennat dans les pas de Denis Kessler qui suggérait de “sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance” ?
Qu’on ne s’y trompe pas, il s’agira d’ailleurs d’aider les entreprises en reportant (ou annulant) le paiement des cotisations. Lesquelles cotisations financent l’hôpital public, logique. Bref, c’est le salarié (via l’amputation de son salaire socialisé) qui paiera la crise, pas l’actionnaire.
Mais arrêtons là l’énumération des incohérences, on y passerait trop de temps. Le pire de tout est sans doute l’irresponsabilité avec laquelle le gouvernement gère cette crise sanitaire. C’est d’autant plus irresponsable que nous ne sommes pas les premiers touchés puisque d’autres pays ont déjà fait face à cette épidémie avant nous, et notamment la Chine, la Corée et l’Italie. Les différentes stratégies adoptées, les recommandations de l’OMS et de nombreux experts auraient pu les inspirer. Nous n’allons pas reprendre ici toutes les analyses qui ont été faites ici ou là mais il en ressort toujours la même chose : l’expérience des autres pays et la compréhension de quelques notions de mathématique (comme ce qu’est une exponentielle par exemple) permettent de comprendre que la seule stratégie à adopter pour éviter une catastrophe sanitaire est de mettre en place un confinement général et le plus tôt possible des zones touchées. C’est ce qu’a fait l’Italie trop tard, ce qui a entraîné une incapacité des hôpitaux à traiter tous les malades et la situation dramatique pour les personnels soignants de devoir choisir quel patient ils vont sauver et quel patient ils vont laisser mourir faute de matériel. Depuis, l’Italie ne cesse de nous envoyer des messages pour qu’on évite de commettre les mêmes erreurs, en vain.
Que fait le gouvernement qui a la chance de bénéficier de quelques jours de retard sur l’Italie ? Rien. On en tout cas rien de suffisant. Croient-ils vraiment en leur discours rassurant et suffisant : le système de soin français n’est pas le système italien ? Là encore, des analyses ont été faites sur le nombre de lits respectifs des pays, ce n’est pas probant. Et face à une exponentielle de toute façon… Ont-ils été convaincus par la théorie d’une gestion de crise à l’anglaise ou à l’allemande de l’immunité de groupe qui consiste à laisser contaminer 60 à 70% de la population de manière à ce qu’elle soit immunisée ? Comme bien sûr nos gouvernants maîtrisent la réalité par les chiffres, il suffirait alors de quelques signaux incitatifs aux entreprises pour qu’elles mettent leurs salariés en télétravail (dans une économie libérale on n’oblige pas, on incite, ce qui est évidemment insuffisant) pour gérer la croissance du nombre de cas et lisser le pic pour ainsi ne pas dépasser les capacité de soin du système. Cela fonctionne peut-être dans le tableau excel qui leur sert de filtre à la réalité. Mais il est à craindre qu’ils doivent faire face à quelques désillusions dans la réalisation… Il s’agit d’autre part de favoriser la propagation du virus parmi les moins de 60 ans (tout le monde doit l’avoir ou presque) tout en l’empêchant absolument pour les plus de 60 ans. Peut-on connaitre les mesures concrètes qui permettent d’atteindre cet objectif dans la vraie vie ? Est-ce cohérent avec le maintien des élections quand on sait que le taux de participation est justement plus fort chez les personnes âgées ? Cette stratégie n’a bien sûr aucune chance de fonctionner. Alors sont-ils cyniques au point d’assumer des dizaines (voire plus probablement centaines) de milliers de morts du coronavirus ? Car 1% de 60% de la population c’est plus de 300 000 morts quand même.
De toute évidence ils ne pourront tenir cette position de laisser-faire qui serait catastrophique. De toute évidence les mesures nécessaires seront donc prises, comme en Italie. De toute évidence ce sera trop tard et les capacités de soin de notre système de santé seront débordées, provoquant des milliers de morts dont certains auraient pu être évités si les bonnes décisions avaient été prises au bon moment. Il est aussi très vraisemblable que le deuxième tour des élections ne puisse pas se tenir, annulant du coup le premier. Un grand bravo.
Nous savions que les politiques néolibérales tuent même si c’est souvent indirectement, après des années, et qu’il est difficile de reconstruire le fil pour mettre en évidence leur responsabilité. Ici on ne pourra pas trafiquer le nombre de morts comme on trafique les chiffres du chômage. Les capacités de raisonnement des gens qui nous gouvernent impunément depuis tant d’années pourraient apparaître au grand jour. Et on ne manquera pas de faire le bilan de tout ça et d’en tirer les conclusions qui s’imposent : ces gens ne sont pas raisonnables, ils sont cyniques ou dangereux, ou les deux.
2 réponses
Ni Cynisme ni folie. Ou du moins pas plus de cynisme que n’importe quel politicard. Et pas plus de folie que n’importe quel ratiocinateur.
Tout simplement incompétence crasse et inaptitude grave à la gestion d’un Etat. Gérer un Etat requiert beaucoup plus de compétences que de jouer aux intermédiaires dans une banque d’affaires.
Voici la réponse de Lordon
« Quand une vidéo appelée à demeurer dans la mémoire collective montre Agnès Buzyn, ci-devant ministre de la santé, déclarer fin janvier qu’évidemment le virus restera à Wuhan et qu’il n’y a aucune chance que nous en voyions jamais la couleur ; quand, jusqu’au 12 mars après-midi, le ministre Blanquer assène qu’il n’y a aucune raison de fermer les écoles (moi aussi, comme Claude Askolovitch, j’ai un ami : dans la classe de sa fille, sept cas positifs, mais pourquoi embêter les parents avec d’inutiles soucis de garde ?), et que le soir même la fermeture générale est annoncée ; quand, dans un tweet à ranger sur la même étagère que la vidéo de Buzyn, Macron, comme un hipster du 11e arrondissement qui aurait fait l’atelier poésie au collège, nous invite — le 11 mars –- : « Nous ne renoncerons à rien, surtout pas à rire, à chanter, à penser, à aimer, surtout pas aux terrasses, aux salles de concert, au fêtes de soir d’été, surtout pas à la liberté », pour le 12 fermer les écoles, le 14 laisser son premier ministre annoncer un début de confinement général, et le 16 morigéner la population qui continuait sur la lancée de l’exemple qu’il lui donnait depuis des semaines ; quand on se remet sous les yeux le tableau d’ensemble de ces ahurissements, on se dit en effet que tous ces gens se sont fait prendre soit par surprise, soit par connerie. Et que l’hypothèse de la surprise étant à l’évidence exclue, il ne reste que celle de la connerie — qui n’est pas une surprise ».
Coronavirus. Sans bloquer totalement les échanges internationaux de marchandises, pourquoi, dès le début de l’épidémie, n’a-t-on pas contrôlé toute personne passant la frontière ? (Selon les modalités possibles au début de cette épidémie ou à définir pour une future épidémie).
Lorsqu’un foyer infectieux survient en élevage (élevage porcin, avicole, etc.), un périmètre strict est immédiatement défini autour des unités de production concernées et les humains ne peuvent franchir ce périmètre qu’avec d’infinies précautions (pédiluve, douche, désinfection, changement de vêtements, etc.) Il n’y a, dans ces cas là, que l’application d’une rigueur scientifique totale. Et on sait depuis longtemps que c’est, et de très loin, une mesure radicale à efficacité immédiate, la plus économique en coût et en énergie humaine. Ainsi le foyer infectieux est étouffé « dans l’œuf ». Et les politiques n’ont pas la main sur ce contrôle, conduit par des spécialistes (ici vétérinaires).
Il y a qq jours d’ailleurs, après propagation de l’épidémie de covid19 à l’intérieur (un comble), il est décidé la fermeture des frontières européennes. Pourquoi donc ne pas en être passé par là dès le départ de l’épidémie, le temps de l’assainissement nécessaire d’un territoire national ou européen ?
Le 19 Mars, quelques médias se font l’écho de la situation en Chine : plus aucun cas de covid19 détecté à l’intérieur de la Chine, mais 34 cas recensés aux frontières ; ce sont des personnes revenant de l’étranger, malades ou porteuses asymptomatiques. La Chine applique pour ces personnes un confinement immédiat dans des hôtels réquisitionnés à la frontière. Une mesure rigoureuse, efficace, peu coûteuse, très peu coûteuse au regard de ce que nous subissons et allons tous subir, humainement et économiquement. La Chine est donc dorénavant dans la situation ou se trouvait la France avant la propagation du virus, alors même qu’ici, on sait depuis longtemps (cf les techniques vétérinaires d’élevage) que seule une mesure de « mur prophylactique » est capable d’endiguer le tsunami viral ou bactérien.
La santé animale aurait-elle donc plus de prix que la santé humaine. Oui, « nous sommes de la chair à canon ».
Tiens don’, il y avait donc une solution bien moins coûteuse que ce qu’on nous fait subir : réaliser le confinement de la seule population en transit frontalier dès le danger apparu.
L’heure est peut-être à « l’union nationale » pour éviter, dans la situation extrême où nous nous trouvons, toute polémique inutile et concentrer l’énergie collective pour réussir la lutte contre l’épidémie. Certes. Mais de là à cacher des décisions connues qui n’ont pas été prises par le Ministère de Mme Buzyn à l’époque, Non ! N’a-t-on pas entendu d’elle qu’il était inutile (par exemple) de réaliser des contrôles de températures aux frontières car les personnes revenant de l’étranger pouvaient avoir pris du paracétamol ? !! La règle du « ne rien faire » hyper libérale que l’on connaît que trop !
Et il faudra bien qu’à la prochaine épidémie la logistique soit au point.
Mais qu’avant, ces pseudo-responsables donneurs de leçons, en répondent.
Un révolté.
Non content de foutre à sac l’organisation sociale (retraite, etc.) ce gouvernement montre une incompétence et une inconséquence notoires face aux questions d’une urgence absolue. Ou alors et aussi un cynisme sans limite.