Cela fait longtemps que je conteste avec colère la politique menée par Macron. Une colère finalement peu visible, le genre de colère qu’aime bien Macron : la colère « légitime » qui défile pacifiquement et qui reste cachée aux yeux de l’entreprise dont je suis un des dirigeants. Car cela fait longtemps que de temps en temps, c’est en posant une demi-journée de RTT ou de congés que je me permets d’apporter mes pas et ma voix dans la rue.
Mais hier, pour la première fois de sa vie, le bon élève de 40 ans a pris son courage à deux mains. Le premier de la classe (à lunettes en plus), passé par Polytechnique, la grande école de la République, cadre dirigeant dans le privé, qui bosse 60 h par semaine, a posé un jour de grève. Pour aller manifester. A visage découvert. Sans avoir à mentir. Et c’était bon.
C’était bon, d’abord parce que la réaction au sein de mon entreprise a été très positive. Même dans l’antre du capitalisme, la situation actuelle inquiète. Les factieux ne sont pas ceux qu’on croit. Macron pense qu’en tordant le langage on peut tout imposer. Non, le peuple n’est pas illégitime, car c’est lui, le pouvoir établi. Non, les gens ne sont pas irresponsables de ne pas supporter les mensonges proférés sur les fondements de cette « réforme » passée au forceps.
Je suppute que Macron jouit devant les manifestations massives, à condition qu’elles soient sous contrôle. Ces manifestations « légitimes », dans le calme, qui lui permettent de sentir qu’il est un chef qui tient le cap contre vents et marées. Des colères factices pour un factieux.
Or, en ce moment, ca commence à déraper. Les jeunes qui mettent le zbeul en faisant courir des CRS et des gendarmes robocopés. Des éboueurs qui laissent vivre les méchants rats aux pieds des immeubles bourgeois. Des raffineries bloquées, des poubelles qui flambent, des barrières qui volent, des syndicats unis (même Laurent Berger est chagriné).
C’était bon, parce qu’il y avait des jeunes partout, plein d’énergie, de colère joyeuse, d’envie de construire autre chose. Le timing est bon. ParcourSup leur permet d’avoir passé le bac et de pouvoir se retrouver pendant 3 mois dans la rue, à tout bloquer, à tout chanter.
C’était mon premier jour de grève. Et je n’étais pas le seul intronisé. Ce ne sera pas le dernier, et ta « réforme », tu sais où on s’la met…