Déjeuner sur Mars et bière au soleil

Je venais de terminer Histoire de ta bêtise, de Begaudeau. Sans doute parce qu’il fallait bien passer de la théorie à la pratique, je me suis retrouvé au cœur d’un déjeuner avec mes semblables : des bourgeois.

Avec toute la mesure dont je suis encore capable quelques jours après, je dois confesser que c’est l’un moments les plus ahurissants et terrifiants que j’ai eu à vivre dernièrement. Il faut dire que je me gardais bien, depuis quelques temps, de me coltiner ce type de personnes vivant hors sol. Mais là j’ai touché le fond. Enfin, eux surtout. De la caricature en barre : pas un truc profond, pas un trait d’humour, de l’austérité jusque dans la tenue. Il fut évidemment question de “benchmarker” les meilleurs plans d’optimisation fiscale, de se plaindre des tracas qui accompagnent la gestion du petit personnel (jeune fille au pair, professeur particulier, femme de ménage), de l’insécurité à Passy, de la voiture de luxe qui à Paris ne sert finalement que de cabine téléphonique quand les enfants sont trop bruyants pour le business. Bien sûr nous bûmes un grand vin de Bourgogne, par l’étiquette mais surtout par le prix, exhibé en trophée. Voyant que je me décomposais dans mon coin, on finit quand même par me demander, avec la bienveillance qu’on porte à un enfant qui vient de faire un cauchemar et qu’on veut réveiller et ramener à la réalité : « qu’est-ce que tu reproches à Macron au fond ?»

J’ai eu droit à tout, putain. Je suis sorti rincé, épuisé du vide auquel j’ai été confronté. Ils m’ont vidé les cons. Les cons qui ont les gros postes de décideurs. Ça m’a terrifié de voir le boulot qu’il y a pour les sortir du vide de leur pensée et de leur idéologie réflexe. On a des arbres creux, contents d’eux, contents de leur tristesse, contents de nous envoyer dans le mur.
Alors à la sortie de ce déjeuner, la tâche m’a paru immense pour les retourner, sous réserve que ce soit nécessaire.

Alors aussi, hier soir, quel bonheur de rencontrer ces six nouveaux infiltrés, plein de cœur, d’histoire, de pensée, de vision. Mon dieu, quelle est la taille du fossé qui les sépare? Je suis passé du Gevrey à la bière. Je suis passé de Mars au Soleil. Gonflé à bloc.

T.

3 réponses

  1. Sonia dit :

    Merci. C’est joli, terrifiant et plein d’espoir à la fois!

  2. Clément Beuzon dit :

    Au top, ils se gavent de leur cynisme…

  3. klein dit :

    Ah j’avais oublié qu’il faut boire de la bière pour être crédible…oh l’abruti!

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