On en a gros M. Blanquer, on en a gros

M. Blanquer je vous méprise,

Je ne pense pas à un petit mépris de passage, non non, plutôt un mépris-retour, durable et agaçant, à la hauteur de la confiance bafouée que vous jetez au nez des enseignants. Un c’est toi qui dis, c’est toi qui y es. Parce que, dans le fond, vous êtes démasqué, les enseignants ne vous croient plus, ne vous estiment plus, ils ont mieux à faire. Un travail pour commencer. Un travail que vous méconnaissez. Nous ne travaillons pas M. Le Ministre, avec des cerveaux, ces cerveaux chers aux neuroscientifiques, nous travaillons avec des élèves, des enfants, depuis plus de 15 ans en éducation prioritaire et dans le premier degré pour ma part. Autant de profils que de cerveaux, que d’élèves, le métier est riche et tient mal dans un manuel ou une méthode unique, aussi syllabique soit-elle. 

Alors, quand vous avez dégainé l’école de la confiance, on s’est demandé. Confiance en qui ? En quoi ? On en avait bien envie, nous, de la confiance réaffirmée. Vous aviez sans doute le choix entre donner davantage de liberté aux maîtres et maîtresses, -ça, c’est la confiance- et reprendre en mains l’Institution et appeler ça la confiance mais là vous deveniez un menteur. Vous avez opté pour la défiance, la deuxième voie, plutôt franchement : fusion d’écoles là où parents et enseignants s’étaient positionnés contre, contrôle plus strict par les Inspecteurs et les équipes de circonscription des méthodes de travail utilisées, évaluations nationales imposées, limitation des choix dans la formation continue des enseignants pour axer les efforts sur vos fondamentaux, mathématiques et français pour dire vite.

Là, vous avez profité d’un genre de bénéfice du doute très lié à la docilisation rampante de la profession. Pendant un temps. Vous nous avez méprisés et nous avez rappelé que la France avait besoin de nous dans le sens du poil. Heureusement, je crois que vous nous avez dans le même temps sous-estimés et ça, c’est mauvais.

Depuis quelques mois donc et plus nettement encore depuis le 19 mars, les écoles ferment, les manifestations se multiplient, les banderoles fleurissent, les grèves sont reconduites, les tracts pullulent, les parents occupent les écoles, le jour, la nuit, les salles communément occupées pour les assemblées générales sont combles et les syndicats presque surpris. Les associations de parents s’inquiètent aussi et samedi 30 mars, nous étions près de 2000 à Angers à manifester parents et enseignants contre votre loi, plus de cent écoles fermées sur le département le 4 avril et 2000 dans la rue, le 13 avril dernier, les collègues ont rejoint la manifestation des gilets jaunes. Entre temps, les collègues n’ont pas manqué de créativité, nous avons occupé l’Inspection, bloqué le tramway afin d’informer sur le contenu. Certains maires annoncent déjà qu’ils n’appliqueront pas votre loi et même des députés de votre parti s’interrogent. Faut-il créer des super-établissements réunissant école et collège, lycée même ? Un principal et des adjoints mais pas partout, pas dans toutes les écoles ? Des étudiant(e)s en responsabilité en classe, recours massif aux contractuel(le)s ? Financement des jardins d’enfants privés par les deniers de l’État ?« Pas d’économie sur le dos de nos enfants, c’est eux notre richesse ! » disait une banderole. « L’école n’est pas une entreprise », et non. 

Face à cette mobilisation d’une intensité rare dans notre milieu, le relais médiatique est faiblard, étonnamment si l’on considère le nombre de personnes impactées par votre travail : enseignants mais surtout parents et, encore mieux, enfants, un signe des temps ? Désormais, même dans les réputées sages manifestations enseignantes, des voix s’élèvent pour appeler à la fin des manifs en rang par deux, « on en a gros, on en a gros » peut-on lire encore sur les pancartes. Les gilets jaunes ont montré une voie, l’éducation et plus largement le service public se mobilise : le 9 mai prochain, l’appel à la grève est général et il est à espérer que les collègues acceptent de s’asseoir sur une nouvelle journée de salaire pour défendre une idée de l’école. De notre métier aussi. Mais de l’école M. Le Ministre. De l’école.

D.

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