Les bourgeois ne brûlent pas de voitures. Ils sont en colère eux aussi mais pas pour les mêmes raisons. Bien sûr ils ont vu la vidéo du meurtre de Nahel. Ça les a choqués, ils sont humains. On n’a pas tout le contexte mais il semble quand même difficile de nier la bavure. Ils s’en remettent maintenant à la justice qui fera son travail, en toute impartialité bien sûr. Les bourgeois sont tristes, cet acte est regrettable.
S’en est suivi un déferlement de violence dans les banlieues. Certes on peut comprendre la colère de ces jeunes, mais quand même, ce ne sont pas des manières, pensent-ils. Les bourgeois sont abasourdis par cette réaction. Ont-ils peur ? Ceux qui sont au coeur du chaos et qui craignent pour leur voiture ou leur commerce ont peur, et ça se comprend. Mais les bourgeois vivent dans les beaux quartiers et la révolte ne les a atteints qu’à travers la médiation des écrans. De concret ils n’ont pu observer que le retour des barricades des Gilets Jaunes pour protéger les vitrines du 8ème arrondissement. Alors ils sont impressionnés par les images, ils craignent que ça dégénère, mais ils n’ont pas vraiment peur. Ils sont surtout hébétés, car il y a d’autres façons d’exprimer son mécontentement, avec le vote par exemple.
Quand un enfant fait une grosse colère il faut faire preuve d’autorité et rappeler les règles. Ils sont rassurés par les figures paternelles de Macron, Darmanin, Ciotti qui défilent dans les médias pour appeler au calme, rappeler le règlement intérieur de la république, promettre des sanctions exemplaires. Voilà une réponse ferme et nécessaire. Car en république quand on est en colère on ne brûle pas tout ce qui nous passe sous la main ! On s’exprime posément, avec des mots, on écrit des tribunes, on fait des éditos, on débat sur les plateaux TV. C’est ça la démocratie. La bourgeoisie est satisfaite, elle a rappelé sa supériorité morale.
D’ailleurs regardez, elle débat sur les plateaux. Est-ce la faute des jeux vidéos ? Qu’est-ce qui a manqué à l’éducation républicaine pour qu’on en soit là ? Les parents de banlieue ne sont ils pas en fait des enfants qu’il faudrait éduquer ? Est-ce qu’il y a trop d’immigrés ? Est-ce qu’il y a un lien entre l’origine des grands parents de ces jeunes et leur incapacité à exprimer leur colère dans des tribunes dans Libération comme tout le monde ? Est-ce qu’on ne devrait pas couper les réseaux sociaux qui, non contents de propager la haine et les fake news, se révèlent capable de propager des incendies ? La bourgeoisie est préoccupée, elle réfléchit.
Mais une chose la rend folle et lui fait perdre tous ses moyens. Ce sont les propos de la France Insoumise, et particulièrement de Mélenchon. A entendre les bourgeois toutes les violences seraient de leur faute, rien à voir avec la vidéo de la mort d’un jeune descendu par la police. A les entendre il aurait suffi que la FI participe à l’unanimité du sermon paternel de l’appel au calme pour que tout le monde rentre chez soi, apaisé. Sont-ils sérieux ? Non, ils sont en colère. De cette colère qui fait perdre toute mesure et toute rationalité.
Car la gauche qui a encore une colonne vertébrale prétend donner des pistes d’explication à cette violence et propose d’y apporter une réponse politique. Ainsi cette révolte ne serait pas simplement la manifestation d’un comportement immature d’une catégorie de la population qu’on peine à considérer comme des citoyens mais serait peut-être porteuse d’un message politique. Ainsi on ne pourrait pas se contenter de construire 3 médiathèques et 2 gymnases pour calmer les banlieues. Il faudrait reconnaître le racisme systémique, les violences policières, le scandale d’une police hors de contrôle (la blague de l’IGPN), la justice de classe, et plus largement l’ensemble des violences liées à l’exploitation capitaliste dont sont particulièrement victimes les habitants de ces quartiers. Voilà ce qui rend le propos de Mélenchon particulièrement odieux. Il dévoile la réalité du système inique sur lequel règne le calme bourgeois. Et ça c’est insupportable, ça mérite bien ce déferlement de haine et d’outrance à longueur d’antenne. Car le bourgeois a accès aux antennes, autant qu’il veut, sa violence peut s’exprimer verbalement puis par l’intermédiaire des institutions et de sa police sans qu’il ait à toucher une allumette.
Une réponse
Bravo …on pourrait parler aussi de la pensée unique…