Le samedi 12 décembre, de nombreux manifestants étaient de nouveau dans la rue dans de nombreuses villes de France pour s’opposer à l’accumulation de lois liberticides que la majorité LREM et le gouvernement cherchent à imposer. Dès le samedi soir, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, se félicitait sur Twitter de l’efficacité de l’encadrement de la manifestation parisienne : « Force est restée à la loi. Plusieurs centaines de casseurs étaient venus pour commettre des violences. La stratégie de fermeté anti-casseurs – 142 interpellations et encadrement du cortège – a permis de les en empêcher, de protéger les commerçants ». Mais on ne tarderait pas à découvrir que la plupart des arrestations ne furent suivies d’aucune poursuite, signe qu’elles étaient vraisemblablement abusives. Depuis, les témoignages s’accumulent, dénonçant le comportement des forces de l’ordre qui cherchaient manifestement à terroriser les manifestants par des interventions répétées, violentes et arbitraires au coeur du cortège. Les infiltrés et leur entourage qui étaient dans la rue ce jour là nous confirment ce ressenti.
Violences policières et arrestations arbitraires
Premier témoignage
Après une manifestation chaotique le samedi 5 décembre (nasse noyée sous les gaz lacrymogènes, impossibilité de poursuivre le parcours, ni de sortir du cortège avec notre matériel), nous avions décidé avec les camarades d’Attac de venir à celle de ce samedi de façon beaucoup plus légère, sans banderole, triporteur, sono, grands visuels (corbeaux Macron etc.). Mais avec quand même une pancarte (« Ami·e entends-tu ? ») pour permettre tout de même de faire passer un message, et continuer à donner un peu de visibilité à Attac dans cette mobilisation.
Lorsque la manifestation a démarré, nous étions dans une configuration déjà assez connue de la « nasse mobile », totalement cernée par les forces de l’ordre (CRS, CSI et BRAV-M), mais dans des proportions encore jamais vues tant les effectifs déployés étaient nombreux. Certains de nos camarades qui étaient en retard au point de rendez-vous pour le départ n’ont même pas été autorisés à rejoindre la manifestation. Ils ont donc marché devant la nasse mobile jusqu’à République. Ont-ils été comptabilisés par le Ministère de l’Intérieur qui a annoncé un nombre absurdement précis de « 26 417 manifestants en France » ? Le mystère reste entier.
L’ambiance dans le cortège était plutôt bonne, malgré le mauvais temps et la désagréable sensation d’oppression, avec une belle mixité : militant·es de tous âges, gilets-jaunes, sans-papiers… et beaucoup de jeunes, comme depuis le début de la mobilisation contre la loi « Sécurité Globale ». Très rapidement cependant, la situation dégénère avec les premières charges policières. Au début, on a cru qu’ils essayaient de scinder les manifestant·es de façon à nous nasser en groupes plus petits, comme cela arrive souvent. Mais après quelques coups de matraque et de bouclier, ils se rangeaient tranquillement sur le côté et on pouvait à nouveau défiler… jusqu’à la nouvelle charge. Le ton était donc donné : ils étaient là pour terroriser.
A ce moment là, on était un petit groupe d’Attac autour de la pancarte que je portais. On décide de remonter le cortège pour nous rapprocher du camion de tête et on marche donc sur le trottoir de droite pour aller plus vite. Arrivé environ à hauteur des Halles, un groupe de CSI et de BRAV-M situé juste à côté de nous se met à charger vers le cortège et on se retrouve donc en plein milieu des forces de l’ordre. L’un d’eux m’arrache la pancarte des mains et, comme je résiste, me donne des coups de matraque pour me faire lâcher prise. Puis, pendant que je proteste, plusieurs policiers m’agrippent pour me tirer hors de la manifestation. Je me débats en essayant de repartir vers mes camarades mais l’un d’eux saisit ma tête en la bloquant sous son bras.
J’ai eu une chance immense : deux amis ont foncé vers moi pour m’aider et me récupérer. Ils ont réussi à me tirer vers eux malgré les coups de matraque et, grâce à eux, on a pu revenir tous les trois dans le cortège au milieu des manifestant·es. Sous le choc et écœurés de nous être fait voler notre pancarte, on a continué à subir la menace des attaques policières. On a mis un certain temps à retrouver les différentes personnes de notre groupe, perdues dans le chaos de la charge. L’une d’entre elles s’est carrément fait éjectée de la manifestation, mais heureusement elle a réussi à rejoindre nos amis retardataires devant le cortège et nous nous sommes tou·tes retrouvé·es sain·es et sau·ves à la fin à République.
Le harcèlement des charges sur le cortège a continué pendant au moins une heure, avec à chaque fois le même procédé : sans sommation, un groupe de policiers fonce dans la foule en poussant et matraquant tout le monde sur son passage, arrache les pancartes et banderoles qui leur tombent sous la main, et embarque les personnes qu’ils peuvent attraper au passage.
Lorsqu’on a rejoint le camion de tête, la police était beaucoup plus calme et se contentait de nous bloquer (parfois plus d’une demi-heure sans pouvoir avancer, sans raison compréhensible).
Arrivé enfin à République, j’ai donc réussi à retrouver tout le monde. L’ambiance festive de fin de manif n’a cependant pas duré plus de 10 minutes. Le canon à eau et les charges ont rapidement ravivé la tension sur la place et fait fuir de nombreuses personnes. Je voulais éviter de me retrouver nassé dans les gaz, sans issue possible, comme la semaine dernière. J’ai décidé de rentrer rapidement, tant que le métro était encore ouvert, en disant bon courage à mes amis qui voulaient rester discuter sur la place.
Cinq minutes après, l’un deux se faisait prendre dans une charge. Il a été arrêté sur le motif totalement arbitraire de « dissimulation de visage » (comme tout le monde, il portait un masque anti-covid…). Il a passé 24 heures en garde à vue et n’a retrouvé sa liberté que dimanche soir à 18h. Aucune charge n’a été retenue contre lui.
Deuxième témoignage
Ce samedi 12 décembre, et comme les semaines passées, je me rends à la manifestation contre la Loi Sécurité globale. Rendez-vous Place du Chatelet à 14h30. Pour m’y rendre, je passe par la commerçante rue de Saint-Denis, parallèle au Boulevard Sébastopol sur lequel la manifestation s’élancera. Les forces de l’ordre sont présentes. En nombre : chaque rue perpendiculaire est bloquée, investie par les différentes brigades, la traditionnelle variété de camions et les barrières anti-émeutes prédisposés.
L’accès à la place est restreint. Il est nécessaire de se soumettre à une ou plusieurs fouilles au corps policières pour y accéder. « Avez-vous quelque chose de dangereux ?». Non ; mes lunettes de piscine, nécessaire protection face aux gaz lacrymogènes, ont déjà été confisquées lors d’une fouille en amont de la manifestation au Trocadéro.
J’arrive finalement sur la place avec un peu de retard. L’ambiance est tendue. La première charge a déjà eu lieu. Impossible d’en comprendre la raison pour le moment. Effectivement, nous apprendrons qu’il n’y en avait pas.
Je m’engage Boulevard Sébastopol. Du fait de mon retard initial, je me situe plutôt dans le fond du cortège. La fanfare est à quelques mètres de moi. Ce qui me ravit : j’apprécie toujours la touche musicale et joviale que ces dangereux activistes apportent à l’ambiance de la manifestation, permettant d’oublier quelques instants les tambours martiaux des matraques sur les boucliers et les stressantes détonations des divers explosifs policiers.
Nous marchons donc sur la chaussée. De chaque côté, sur les trottoirs des colonnes bleues nous accompagnent. Tous les croisements sont occupés par des effectifs policiers. Au loin, j’entends les grenades de désencerclement qui indiquent des tensions en tête de cortège. Je pense en être loin.
Après avoir marché une centaine de mètres, et alors que la partie du cortège où je me trouve est calme, une quinzaine de policiers fondent à quelques mètres devant moi. Quelques coups de matraques et de boucliers créent la panique et écartent les manifestants qui se trouvent à cet endroit. En quelques secondes, un homme est interpelé et extrait de la manifestation. Personne n’a le temps de l’aider. J’essaye de me renseigner sur les raisons de cette intervention. Autour de moi, personne ne sait.
Le vide créé par l’intervention éclair se comble et la marche reprend son cours.
Quelques minutes plus tard, un jeune homme taggue un automate bancaire. Le même mode opératoire se répète : charge au pas de course, frappes aveugles, clef de bras, exfiltration. Une trentaine de secondes se sont écoulées.
Tout au long de la manifestation, le procédé se répète. Les forces de l’ordre sont constamment présentes. De chaque côté. A chaque instant. La charge peut venir de n’importe où et n’importe quand. Avec la même irrégularité, les policiers qui encadrent le cortège l’interrompent puis le laissent repartir selon leur bon vouloir. L’atmosphère créée est terrifiante. Et nous constatons sagement notre impuissance collective.
Encore plus lorsque nous empruntons le Boulevard Saint-Martin : la chaussé sur laquelle nous marchons est étroite et surplombée par des trottoirs surélevés. De là, les policiers nous observent, en armes et en armures. Un vrai traquenard. Heureusement, il n’y aura aucun affrontement sur cette portion.
J’arrive finalement à République. L’amie qui m’accompagnait est partie plus tôt. Je constate rapidement la forte présence policière. Chacune des rues adjacentes est obstruée par les effectifs policiers, leurs camions et leurs barrières anti-émeutes. Ils sont prêts et n’attendent que l’ordre d’évacuer pour intervenir. Une seule issue nous est laissée. Sans m’arrêter, je la prends et rentre chez moi, abasourdi par la démonstration de puissance sécuritaire à laquelle je viens d’assister.
A samedi prochain.
2 réponses
Apres avoir vu le film Un Pays qui se tient sage de David Dufresne, apres avoir vu aujourd’hui le passage a tabac d’un producteur de musique (noir) par 3 policiers clairement raciste, apres avoir ete en manif et avoir ressenti cette peur de la police, je me demande si on peut generaliser le fait que la police est pourrie. Je sais bien que les policiers et les gendarmes ne sont pas tous mauvais, mais y en a-t-il assez pour le penser ?
J’avais bien compris la fascisation rampante s’installant depuis des années dans notre société, pourtant quand je désignais (« Sors d’ici Jean Moulin! ») la bande squattant le pouvoir comme les « nouveaux collabos » de la nouvelle « souveraineté européenne »…je devais encore traîner quelques débris de naïveté. Je pensais ce régime en route vers celui de Vichy alors qu’il en avait déjà adopté le fonctionnement, les formes et l’uniforme. Après une « zone transfrontalière » offerte à l’Allemagne ne restait qu’à fabriquer une « Alsace européenne »…en attendant…mieux. Pétain et Laval ont trouvé de dignes descendants…
Méc-créant.
(Blog: « Immondialisation: peuples en solde! » )