Pain in the nasse

Ce samedi 16 novembre c’était le premier anniversaire du mouvement des gilets jaunes. La manifestation déclarée devait partir de la place d’Italie mais a été annulée à cause du chaos qui y régnait. Une journée « émaillée d’incidents en marge de la manifestation » comme l’ont répété en boucle les médias nationaux en montrant des images de voitures en feu ou de vitrines cassées.

Comme d’habitude les violences policières n’ont en revanche pas fait la une, même la vidéo accablante et terrifiante de Manu qui a perdu un oeil sous la caméra d’une personne de son entourage. Il n’a pas non plus été question de la stratégie de maintien de l’ordre consistant à transformer la place d’Italie en un véritable guet-apens dans lequel les manifestants sont restés coincés des heures sans pouvoir sortir, contraints de se faire gazer et de risquer de prendre un projectile perdu, comme Manu. Seuls quelques témoignages comme celui d’Olivier Besancenot ou Mathilde Larrère ont rendu compte de cette réalité.

Certains infiltrés étaient présents ce samedi pour manifester une nouvelle fois leur soutien aux gilets jaunes. Nous publions certains de leurs témoignages, depuis l’intérieur de la place ou autour. Trois témoignages qui concordent et mettent en évidence le piège mis en oeuvre ce samedi et plus largement l’escalade répressive du gouvernement face à la contestation.


« Peut-on sortir ? – Non »  

Premier témoignage

Ce Samedi 16 novembre, j’ai rejoint les Gilets Jaunes pour leur anniversaire.

10h. N’étant pas au courant des différentes manifestations prévues, je vais sur les champs, espérant y trouver du monde. J’y trouve des touristes, des policiers, beaucoup de policiers, un canon à eau à l’Etoile, un blindé sous l’Arc de triomphe. Une ambiance sépulcrale, des vitrines blindées, des clients fouillés avant de rentrer chez LVMH. Pas un gilet jaune. Je crois à un bide. Un ami me prévient vers 10h30 que ça se passe à place d’Italie.

J’y vais tant bien que mal. Les métros sont fermés tout autour et je dois marcher jusqu’à Bir Hakeim pour prendre la 6. Dans le métro, je trouve d’autres personnes allant manifester. Un moine bénédictin un peu perché, et deux « étudiants-travailleurs » qui font gardiens de nuit en plus de leurs études. Vers 12H à Corvisart, le chauffeur nous informe qu’il faut descendre car la prochaine station est fermée. On marche vers la place. On déambule au milieu des slogans habituels (RIC, Macron dégage, Justice fiscale, etc) et de quelques feux de poubelle. Tout se passe bien.

J’appelle un ami qui me donne rendez-vous devant Italie 2. On s’y rejoint vers 12h30 au moment où un type démolit la devanture à coup de barre de métal et de pavés. Les policiers ne sont pas bien loin, on peut les voir. Et à cet endroit la foule n’est pas très dense. Ils ne font rien, donc nous non plus. Les casseurs démolissent ensuite la vitrine de Citadines. La scène dure une dizaine de minutes. La police finit par intervenir à la grenade lacrymogène. Naturellement, tout le monde fuit dans les rues avoisinantes.

Avec mon ami, on fait le tour du pâté de maison pour éviter la charge. On remonte sur la place par l’avenue Auguste Blanqui. Là, nous apercevons les hommes en noir à casque blanc. BAC, BRAV ? Je ne sais pas, mais tout le monde en a peur. Des gens nous disent de partir, ils arrivent au LBD. Le nom de cette arme, joint au cri de « c’est la BAC ! » saisit d’effroi le groupe dans lequel je suis qui part en courant. Nous trouvons refuge dans une épicerie qui ferme son rideau de fer derrière nous. Un moment de calme appréciable.

En ressortant, vers 13h00, le chaos a apparemment gagné la place. On s’y déplace une bonne demi-heure, car ça vaut le coup d’œil. Une voiture est retournée, une pelleteuse brûle sur le rond-point, des trottinettes brûlent sur la chaussée, le nuage de lacrymogène est permanent, même si le vent le disperse bien. Pourtant, l’ambiance reste rassurante. C’est là qu’est le paradoxe. Personne n’a peur de ceux qui retournent des voitures, mais tout le monde s’enfuit à la vue d’une unité de la BAC. Des personnalités et élus comme Jérôme Rodrigues ou Esther Benbassa sont arrivés. Probablement pour la manifestation déclarée à 14h. Pourtant personne ne bouge de la place. On déambule. On entend « sommation » du côté des gendarmes, pas grand-chose ailleurs.

Vers 14h30, on se sent coincés. Je demande à un CRS si on peut sortir. « Non ». « Et on fait quoi alors ? » « Vous restez dans le pot de pus ». Nous voilà bien. On tente l’avenue d’Italie où se tient un gros barrage de CRS avec un canon à eau. « On peut sortir ? ». « Non ». « Il y a une issue ? ». « Non ». Pourtant ils laissent rentrer des gens. On leur signale qu’il faudrait au moins signifier à ces gens qu’ils ne pourront pas sortir. « Non ». Alors on continue de se balader. Ça tire à la lacrymo dans toutes les directions. Impossible de savoir où il faut se rendre pour être en sécurité. Au milieu de la place ? Dans un renfoncement de mur pour éviter les charges ? Près des gendarmes ? Près des medics ? On n’entend plus les sommations. Y en a-t-il seulement ? Plus loin, je vois une demi-douzaine de CRS, seuls, dos au mur en position statique. Je vais leur demander qui les a envoyés là si loin de leurs renforts. De mon point de vue, c’est une faute de leur officier. Ils ne répondent pas mais nous disent que ça va devenir dangereux. Vu ce qui est arrivé à Manu (le 25eme éborgné du mouvement), je reconnais que ce CRS avait raison.

On finira par réussir à partir peu après 15h, à la faveur d’un mouvement de flottement de la ligne CRS. D’autres n’ont pas eu cette chance et y sont restés coincés bien plus longtemps.


Sans issue 

Deuxième témoignage

Cette fois je voulais y être, associer ma personne au nombre, pour faire masse et montrer que non, les problèmes n’avaient pas été résolus par les quelques milliards lâchés ici où là moins d’un an plus tôt. Manifester, simplement.

13h15. Alerté par les affrontements tôt le matin du cortège qui partait place de Champerret à 11h, manifestation déclarée et autorisée, je ne souhaite pas m’exposer aux gaz lacrymos, et me dirige donc vers place d’Italie, départ d’un autre cortège prévu à 14h, lui aussi déclaré et autorisé.

13h50. A l’approche de la place d’Italie, par le bd Auguste Blanqui, une quinzaine de motards, 2 par moto, font une démonstration de bruit et défilent en direction de la place : la BRAV-M, qui rappellent les voltigeurs, dissous en 1986 après la mort de Malik Oussedine. Je souhaite accéder à la place, mais les CRS font déjà barrage : un petit groupe devant moi vient d’obtenir d’un policier le droit d’accéder à la place, je les suis. La manifestation n’est pas partie que le ton est déjà donné.

14h05. Un rapide tour de la place est encore possible, plusieurs foyers allumés, feux de barricades, quelques restes de motos brûlées, quelques vitrines cassées. On ne sait pas trop ce qui se passe, mais déjà des lacrymos se dissipent dans l’air de la place. Il y a beaucoup de manifestants, mais après 15min sur la place, manifestement pas de cortège en mouvement.

14h20. Rencontre avec un américain, qui a fait le voyage. Law school, avocat engagé en politique locale dans son Etat, il a fondé il y a presque 1 an les « Utah Yellow Vest ». Les événements en France ont été un déclencheur pour lui, qui considère que le système représentatif américain est totalement verrouillé et corrompu. « The electoral system is broken. People can’t be represented by anyone but themselves. Now the information technologies may help us do that. But not the politicians ». Son mouvement n’a pas vraiment pris de l’autre côté de l’atlantique, mais il est persuadé que le mouvement français est le début d’un mouvement plus large. Le petit camion qui proposait sandwichs et saucisses aux manifestants comprend qu’il n’arrivera plus à vendre, et arrive à plier bagages.

14h30. Explosion proche d’une grenade, lancement de lacrymos, riposte en jet d’objets divers de certains manifestants atteints en première ligne : interrompu dans ma discussion avec cet américain, je m’éloigne du danger. Les lacrymos s’enchaînent, heureusement le vent nous protège quelques instants. Ca ne durera pas. Je cherche à sortir, mais les CRS indiquent à tous que ce n’est pas possible de sortir de la place. Nous sommes nassés, sans motif apparent ni exprimé. Les lacrymos fusent, les gens sont coincés et s’en rendent compte, les esprits s’échauffent.

15h00. La situation n’évolue pas.  Les pompiers cherchent à éteindre un foyer, mais plusieurs manifestants les en empêchent, sans violence aucune, en essayant de les convaincre qu’ils sont dans la même situation difficile et que les politiques gouvernementales les desservent tout autant, qu’il faut lutter avec les manifestants et non éteindre leurs feux. Ils font demi-tour, la police active les canons à eau, lacrymos, grenades, et quelques pompiers viennent finalement éteindre.

Nous sommes gazés continuellement, les manifestants cherchent à se mettre à l’abri, mais rapidement ce n’est plus possible. Le sud de la place (av d’Italie) permettait de respirer à l’abri des lacrymos dont les panaches toxiques étaient poussés par le vent vers le nord. Les CRS finissent par comprendre et réorganisent leurs tirs lacrymos et de grenade à cette aune.

15h30. Chaque sortie de la place est bloquée et le théâtre d’affrontements plus ou moins violents, mais toujours sous lacrymo quasi-permanent et de grenades de désencerclement par salves. Reste un mur d’une quarantaine de mètres de long, entre le bd auguste blanqui et l’av de la Sœur Rosalie, l’endroit le moins mal abrité de la place, où je m’entasse avec de nombreux manifestants pour échapper aux douleurs des yeux et de la gorge provoquées par les gaz. Une boulangerie qui se trouve là (la boulangerie Huré) par miracle a gardé ses portes ouvertes, et permet aux manifestants les plus atteints de s’abriter.

J’apprends vite à minimiser l’impact des gaz : le panache nous arrive dessus, porté par le vent, on fait bloc en lui tournant le dos, chacun se réfugie au fond de sa capuche fermée, on ne bouge pas, on essaie de ne pas respirer ou presque, et on attend que ça passe. Ca n’évite pas les yeux brûlés, mais ça minimise la souffrance. Un couple de vieilles dames a les yeux qui pleurent, suffoquent. Les « street médics » les aident avec du sérum physiologique dans les yeux.

Après une salve, une dame de 50 ans s’énerve, pleure, suffoque, n’en peux plus, est à bout. Bientôt 2h qu’on subit sans explication et sans pouvoir rien faire. Pour une manifestation légitime, déclarée, autorisée. Elle crie, hurle, manque de s’en prendre à un CRS, son mari la retient. Côté Blanqui c’est l’alternance entre jets de lacrymo, charge de CRS pour faire un exemple et interpeller un manifestant, puis jets de pierre, mais tout le monde est toujours bloqué.

Je vois passer devant moi ce journaliste défiguré (un certain Julien selon Twitter, touché par une grenade GLI-F4), le visage littéralement couvert de sang, porté par deux street medics. Je suis estomaqué, je n’en reviens pas. C’est de très loin le moment le plus violent et destructeur que je verrai de ce samedi. Car tout feu de scooter et vitrine cassée qu’il y ait pu avoir, signe de la colère du mouvement, passer à la violence et dégradation physique (et quelle violence) est d’un tout autre niveau.

15h50. Un ami me prévient que le préfet de police demandait aux manifestants « de bonne foi » de sortir de la place, grâce à un « corridor » de sortie. Les interpellations continueront ensuite. Je ne comprends pas ce vocabulaire manichéen et guerrier. Personnellement j’ai vu beaucoup de gens énervés, déterminés à ne plus se laisser marcher dessus par un système qui les écrase, mais personne « de mauvaise foi » – je ne sais d’ailleurs pas très bien ce que cela veut dire.

Je finis par sortir et trouver ce couloir boulevard d’Italie. Je me réfugie dans un café une petite demi heure. J’y croise un certain Manu en sortant, qui veut rejoindre la gare d’Austerlitz pour rentrer chez lui. Il vient de la région de Châteauroux, dans une petite ville à proximité de 6000 habitants, et vient presque tous les 15 jours depuis 1 an. Lui aussi est à bout. Il voulait rester manifester mais il est épuisé, presque résigné, il rentre chez lui. Il m’explique que fin 2018 lors d’une manifestation, il s’est fait casser 4 côtes par un CRS qui l’a tabassé, et 8 points de suture sur le crâne, qu’il me montre. Ca l’a changé, il est alors revenu avec encore plus de détermination. Mais il commence à arriver au bout de son énergie : c’est un budget ces allers-retours, et surtout c’est un risque : un risque personnel, financier, et physique. Mais pour lui pour l’instant il a perdu. Il y a quelques années il pouvait partir en vacances. Maintenant ce n’est plus possible. Les prix montent, mais pas les salaires. Il fait des heures supplémentaires, mais elles ne sont plus payées car compensées en temps de récupération. Il travaille dans une usine qui fabrique des chambres froides. Sa femme est aide soignante. Deux enfants, 10 et 15 ans, et un troisième en route : « je ne peux plus laisser ma famille 1 week-end sur 2, surtout avec le bébé qui arrive, je ne peux pas me le permettre, je ne peux pas leur faire ça ». Pas de misérabilisme dans ses mots : il en a marre de sa « vie de merde, que ça s’empire », et surtout s’inquiète pour ses enfants, ne voit pas comment ils vont s’en sortir. Lui a perdu espoir, mais pire dit-il, il voit que ses enfants n’en auront jamais, c’est invivable. Et la taxe d’habitation ? « Elle n’a pas baissé ; et les autres taxes augmentent ». Quant aux services sociaux, « je suis allé les voir mais ils m’ont dit qu’il fallait que j’arrête de fumer pour faire des économies, ou bien ne pas utiliser la deuxième voiture. Mais comment tu veux faire, avec les deux boulots ? Sinon ma femme s’arrête de bosser ? ». Ce couplet sur les dépenses des pauvres et la normativité de leur comportement, ça m’est insupportable à moi aussi. Si a minima on imposait la même chose aux détenteurs du pouvoir et du capital.

17h. Je finis par le laisser à la gare d’Austerlitz, moment auquel je me retrouve à nouveau sous le tir de lacrymos : une vingtaine de manifestants qui descend le bd Vincent Auriol et qui a mis le feu à deux poubelles. Je poursuis vers Bastille, désabusé. Là, l’évacuation a déjà eu lieu, depuis peu, on voit encore des panaches blancs flotter. Les motards de la BRAV-M paradent, et les camions de CRS défilent, direction les Halles.

Un dernier cortège se forme Rue Saint-Antoine, que j’accompagne. Enfin une vraie manifestation : des gens mécontents, qui s’expriment, scandent des slogans, défilent. Le cortège grossit après Saint-Paul, Hôtel de Ville. Puis vers 18h, grenades de désencerclement, lacrymos : objectif de dispersion. Résultat le cortège se divise dans les petites rues, s’échauffe, continue de scander. Gazage à la fontaine des innocents. On est chassé vers le bd de Sébastopol, des poubelles se renversent, se font embraser. Le bd est bloqué par des barrières de chantier. Les CRS donnent l’assaut, le cortège se disperse, les CRS nettoient le boulevard avec les pompiers, les CRS se dispersent, les manifestants reviennent et recommencent, etc.

Je ne resterai pas jusqu’au bout, j’ai eu ma dose d’yeux piqués. Ce que je retiens surtout c’est le désir de s’exprimer d’un grand nombre de gens, qui en sont empêchés, et qui en retour, comme moi, voient leur colère intérieure monter à grande vitesse. Et j’ai dès lors beaucoup de mal à voir comment, semaine après semaine, ce processus aurait une chance de sereinement aboutir.


Leur échapper

Troisième témoignage

Ce récit n’est pas objectif, il ne cherche pas à l’être. Il est celui d’un manifestant de samedi. Il ne représente pas la journée de tou.te.s et ne vise qu’à essayer de décrire la façon dont j’ai vécu cette journée, mes espoirs, mes peurs, même pas ceux de celles et ceux qui étaient avec moi.

10h Je pars pour rejoindre des ami.e.s place d’Italie qui s’y sont rendu.e.s avant le départ de la manifestation déclarée partant à 14h. On me dit que ça chauffe. Le métro ne s’y arrête déjà plus, ça sent la nasse.

J’arrive vers 11h et il y a déjà un peu de monde et du lacrymo vers le McDo. Peu de flics à l’intérieur de la place, un groupe de CRS et de BRAV, qui se font relativement discrets car en sous-nombre, mais des groupes de CRS barrent le boulevard de l’Hôpital. On voit que les effectifs de police sont affectés ailleurs. Une barricade a déjà cramé et avec elle des trottinettes électriques de CSP++.

Vers 13h des groupes de plus en plus importants de personnes en noir se forment. L’agence de HSBC se fait attaquer, je m’éloigne. Les vitres sont solides, les flics chargent et gazent. On est repoussé vers Italie 2. Italie 2 est alors attaqué à son tour, l’entrée et quelques vitres extérieures sont cassées : charges et gazages. On est de nouveau repoussé vers le boulevard Blanqui. Ça commence à s’affronter gentillement alors nous décidons de redescendre le bvd pour éviter la nasse que l’on pressent.

Une dizaine de personnes s’éloigne en marchant avec nous de la place. Des BRAV remontent en même temps que nous descendons. Nous changeons de côté pour les éviter : ne pas être blesser et pouvoir fuir. Une des personnes juste derrière nous commence à les insulter. Un des flics traverse la route et se dirige vers nous : des grenades lacrymos tombent derrière nous (probablement envoyées au lanceur par le reste de la BRAV), le flic maintenant sur ma droite immédiate jette une grenade (que je ne parviens pas à identifier) juste devant moi, des palets de lacrymos la suivent. On court à travers la lacrymo. C’était stupide, si ça avait été une grenade de désenserclement on était mal.

13h 30 Nous décidons de faire le tour pour voir si une autre entrée sur la place est possible.

14h, une autre entrée. Le boulevard qu’on a remonté était désormais rempli de camion de CRS. Arrivé à l’entrée de la place on voit qu’à l’intérieur ça crame, ça gaze, ça charge et des grenades de désencerclement explosent en série. On voit que l’on peut entrer, on comprend que l’on ne peut pas sortir. Des personnes se massent devant le cordon de CRS pour réclamer de sortir. C’est sans effet, elles sont nassées et cela jusqu’à quelque chose comme 16h. Je rappelle qu’une manifestation parfaitement légale devait partir de la place à cette heure là, qu’on les a laisser rentrer pour cela.

14h 30 Le gaz nous parvient de plus en plus. Nous chantons pour inviter les flics à ouvrir le cordon. Ca chauffe des deux côtés, on se fait charger ou en tout cas c’est que l’on croit comprendre parce qu’avec le gaz on ne voit rien, juste des gens qui courent vers nous.

On comprend que c’est cuit pour Place d’Italie alors on rebrousse chemin. De nouveaux policiers sont arrivés entre temps. Les passant.e.s et touristes n’apprécient pas la douche de lacrymo. Ces personnes n’apprécieront pas non plus être bloquées juste derrière nous par un second cordon de CRS venant de se former.

On accélère pour éviter d’être bloqué.

15h 30 Après un petit point de situation et de longues hésitations on se dirige vers la Bastille où apparemment un autre gros cortège est nassé. En route on apprend que la place a été nettoyée et en arrivant on croise aux alentours de la Bastille d’autres gilets jaunes un peu à la dérive après plusieurs attaques de la police. Les groupes s’agglomèrent et partent vers la rive gauche en marchant sur les trottoirs sans gêner la circulation et risquer d’attirer les flics.

16h Un cortège se reforme au niveau du pont d’Austerlitz et part en manifestation sauvage.

La présence policière dans la zone est énorme et les flics nous tombent dessus rapidement au niveau du quai de l’Arsenal. Charge, cortège scindé. Nous sommes dans le petit groupe de tête, une cinquantaine maintenant, isolé.e.s, entouré.e.s de flics. On avance dans les rues, les flics de derrière chargent et gazent. Quelques mètres plus loin des manifestant.e.s derrière crient que la BRAV arrive sur notre gauche, i.e.l.le.s se mettent à courir. Devant moi un gosse d’une quinzaine d’années qui passait par là regarde dans la rue qui s’ouvre sur sa gauche et se met à courir, effrayé.

Je cours aussi.

J’attends mes ami.e.s resté.e.s derrière tout en guettant un surgissement des flics depuis une des rues alentours. On se retrouve, il manque quelqu’un.

On l’appelle, il va bien. On décide se retrouver sur les quais. Coup du sort, la rue débouche sur un commissariat. Les flics nous ignorent cette fois. Une partie du cortège a du traversé le pont où elle est attendue par des camions CRS, le reste est poussé vers l’avant par d’autres. Nous nous rejoignons. Il a pris un coup de matraque mais ils n’ont pas réussi à l’interpeller.

Nous longeons maintenant le canal en essayant de se sortir de cette zone contrôlée entièrement par des flics qui nous interpelleront dès que possible. Nous arrivons au bout du canal, un cordon de CRS se ferme devant nous. La grand-mère devant, bien propre sur elle, peut continuer son chemin, mais avec nos tronches de gauchistes nous ne sommes bon qu’à redescendre nous faire gazer par leurs collègues.

On rebrousse chemin, vite, et une fois arrivés à la seule rue perpendiculaire non-bloquée, hors de la vue des flics, nous courons jusqu’à la prochaine intersection. Et le cache-cache continue jusqu’à être assez loin de la zone et en sécurité.

16h 15 Nous sommes de nouveau à la dérive, seuls, essayant de trouver d’autres groupes à qui nous agglomérer tout en évitant les flics. Nous faisons le point sur les différents points chauds. On décide de se diriger vers Les Halles.

Je m’arrêterais ici car vous n’apprendrez rien de plus par les événements suivants, partagés eux-aussi entre envie de lutter et peur de la répression.

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